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Génération compétences : le collectif au service de la remobilisation des seniors
En France, le taux d’emploi des personnes âgées de 55 à 64 ans n’a cessé de progresser sur les vingt dernières années. Alors qu’il n’était que de 32 % au début des années 2000, il est de 56,2 % en 2021. Pourtant, il reste encore bien inférieur aux autres pays européens et les données statistiques montrent une progression constante du chômage de longue durée des plus de 50 ans sur la même période. Afin de favoriser l’embauche et le maintien en emploi des seniors, la Normandie innove avec un dispositif de formation : Génération compétences.
Version imprimable du zoom
(paru dans le Mag emploi formation n°15 de septembre 2022)
Le sommaire :
- Un dispositif pour une dynamique d'insertion professionnelle
- Trois hypothèses de départ : le collectif, les préjugés et le numérique
- La nécessaire expérimentation d'une action de formation
- Des résultats concluants et le lancement d'une deuxième phase
- Cinq opérateurs, cinq approches
Un dispositif pour une dynamique d'insertion professionnelle
L’âge est, avec le sexe, une des principales discriminations à l’embauche : de nombreux préjugés et stéréotypes persistent au sein des entreprises. Par ailleurs, les seniors ont souvent une vision négative du marché du travail, liée à leurs parcours antérieurs ou à une perception erronée des réalités actuelles. Cela se traduit notamment par un découragement et une moindre appétence pour la formation.
En Normandie, le diagnostic établi en préparation du pacte régional d’investissement dans les compétences (Pric) en 2019 a fait ressortir une problématique particulièrement préoccupante concernant ce public. « À travers les données fournies par Pôle emploi et le Carif-Oref de Normandie (cf. encadré), nous nous sommes aperçus très rapidement que ces chiffres étaient encore plus importants sur certains bassins d'emploi et qu’il y avait urgence à proposer des solutions » indique Vincent Potin, chargé de projets Pric à la Région Normandie.
Pour y répondre, la Région a mis en œuvre en 2021 « Génération compétences », un dispositif expérimental de formation proposant un accompagnement spécifique aux demandeurs d’emplois de plus de 50 ans afin d’engager une dynamique d’insertion professionnelle. Objectif : favoriser la remobilisation et redonner une appétence à la formation.
Cette expérimentation, qui représente la partie « formation » du plan régional d’actions seniors, est suivie par un comité de pilotage animé par la Région et la CFDT et constitué d’acteurs emploi formation (Pôle emploi, Apec, Agefiph, U2P…). Sa mission : identifier et capitaliser les bonnes pratiques issues des actions mises en œuvre, afin de pouvoir étudier leurs modalités de déploiement dans le droit commun. Sur le terrain, les actions sont organisées par cinq organismes : Retravailler, Trajectio, Recife, le Greta et l’Irfa. Une trentaine d’actions représentant 470 parcours à l’année ont ainsi été proposées.
L'emploi des seniors en Normandie (mars 2021)
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- 75 840 demandeurs d'emploi de plus de 50 ans (25 % des demandeurs d'emploi)
- une augmentation de la durée d'inscription à Pôle emploi
- 75 % ont un niveau de formation inférieur au bac
- 62 % sont inscrits à Pôle emploi depuis plus d'un an
- 44 % sont bénéficiaires des minima sociaux (ASS, RSA)
- près d'un tiers des publics cible du Pric.
- 75 840 demandeurs d'emploi de plus de 50 ans (25 % des demandeurs d'emploi)
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Trois hypothèses de départ : le collectif, les préjugés et le numérique
Autour d’un groupe de travail « Problématiques spécifiques et freins à l’embauche des seniors », un premier travail a été mené afin d’identifier les principaux freins à l’accès à la formation, les difficultés rencontrées par ce public dans leur parcours d’insertion ainsi que les leviers permettant d’y remédier.
« Pour construire cette commande publique, nous avons travaillé autour de trois hypothèses : la question du collectif, des préjugés et celle du numérique » précise Vincent Potin. « Nous sommes face à des personnes qui ont du mal à s'intégrer dans un groupe qui ne partage pas leurs problématiques. Un public dont on présuppose l'autonomie mais qui a quand même besoin d'un fort accompagnement en début de reprise de dynamique, d’où la nécessité de créer un collectif. La question des préjugés est double. D’abord ceux des demandeurs d’emplois qui pensent ne plus rien comprendre au marché du travail, qu’ils sont trop chers pour les employeurs ou qu’ils n’ont pas les compétences requises. Ensuite ceux nourris par les entreprises : pourquoi investir dans une personne qui va bientôt partir à la retraite ? Concernant la troisième hypothèse, les professionnels indiquent que ce public est souvent dépassé par l'aspect « numérique » du marché du travail et le manque de maîtrise de nouveaux outils. »
La nécessaire expérimentation d'une action de formation
Avec ce diagnostic, il est apparu nécessaire à la Région d'expérimenter une action de formation ciblant les demandeurs d'emploi en fin de carrière les plus éloignés du marché du travail. Cette action est organisée autour de six axes principaux :
- la remobilisation et la reprise de confiance en soi
- l'actualisation et la validation des compétences acquises par les seniors au cours de leur parcours professionnel antérieur
- les compétences numériques dans le cadre d’une remise à niveau professionnelle
- la question du préjugé qui est abordée via la mise en place d’une action collective permettant un travail sur les représentations et la situation des seniors sur le marché du travail
- la mobilisation des entreprises afin d’identifier les missions qui pourraient être confiées à des seniors
- les nouvelles modalités d’emploi (partage salarial, auto-entreprise, groupements d’employeurs…)
« L’accompagnement qui est proposé est centré sur l'accès à la formation et/ou l'emploi. Le stagiaire reste pilote de son parcours : il définit ses propres objectifs et élabore sa stratégie pour les atteindre. Il est bien entendu accompagné par un référent qui évalue et ajuste avec lui son plan d'action et l'oriente vers les démarches adaptées. La dynamique impulsée par l'appartenance à un groupe maintient et renforce sa motivation à réaliser ce plan. »
Des résultats concluants et le lancement d'une deuxième phase
« Au démarrage, cette action a eu du mal à trouver son public parce qu’elle s’adressait à des personnes qui n'étaient pas forcément en contact avec les prescripteurs. Nous sommes face à un public éloigné du marché du travail mais qui s’est aussi éloigné de ceux qui peuvent les accompagner. A l’issue de la première phase, nous avons maintenant un bon retour terrain, la prescription fonctionne bien et les retours des participants sont très positifs. Certaines de nos hypothèses de travail sont validées », souligne Vincent Potin.
« Ce qui a été validé lors de cette première phase, c'est aussi l'intérêt de faire de l'expérimentation avec ce public. Le travail en mode laboratoire avec les cinq opérateurs de formation et le groupe de travail régional a permis de nombreuses réflexions qualitatives qui vont nourrir l'écriture de nos futurs dispositifs. »
Fort de son succès, le dispositif est donc reconduit pour une année supplémentaire, avec les mêmes prestataires et de nouvelles actions. « Sur cette deuxième phase, nous allons notamment mettre l’accent sur la question du handicap avec un groupe de travail spécifique piloté par l’Agefiph, et sur l’accompagnement et la mobilisation des entreprises afin de renforcer leur présence sur les actions. C’est aussi l’occasion de terminer les travaux de la mission “capitalisation”, notamment par la rédaction d’un guide des bonnes pratiques. »
Une reconnaissance confirmée par le niveau national qui, en septembre 2021, a identifié « Génération compétences » parmi les actions remarquables mises en œuvre par les régions françaises pour former les demandeurs d’emploi. Une nouvelle approche inspirante « made in Normandie » !
Cinq opérateurs, cinq approches
- Retravailler : une approche basée sur l'activité physique adaptée
Dans le cadre du dispositif Génération compétences, Retravailler a mis en place un module principalement basé sur l’activité physique et ses risques, animé par un formateur en activité physique adaptée. Le but de ce module est de s’initier à la prévention, de prendre conscience des enjeux liés à l’activité physique et de découvrir les bases de la relaxation.
A l’issue du module, les bénéficiaires sont en mesure d’identifier les risques liés à l’activité physique dans l’emploi mais également d’en expérimenter les bienfaits. L’objectif est qu’ils aient davantage confiance en eux et en leurs capacités motrices. Ils sont également sensibilisés à la gestion du stress et mieux armés pour l’affronter.
Retour des formateurs…
La prévention des risques liés à l’activité physique est une thématique qui parle au plus grand nombre. Le fait d’identifier des situations vécues ou liées à leurs futures activités professionnelles a permis à chacun de prendre conscience de l’importance des bonnes postures et des impacts sur leur santé. Il a été mis en évidence que durant leurs carrières respectives (surtout en début de carrière), personne ne prêtait attention aux différents gestes, postures, mouvements et que malheureusement les répercussions sont bien présentes aujourd’hui. La thématique « Stress et relaxation » a également été très appréciée, c’est un sujet qui parle bien évidemment à chacun. Les stagiaires ont été très demandeurs pour avoir des outils, des remèdes pour évacuer, se détendre.
- Recife : l'acquisition de compétences par la médiation corporelle
Le dispositif « Génération compétences et médiation corporelle » a pour finalité la reprise de confiance et d’estime de soi afin de s’inscrire dans une démarche de retour à l’emploi et/ou de qualification. Le caractère innovant de ce dispositif est l’utilisation de la médiation corporelle, qui est la pratique de la réflexologie et de la sophrologie comme outils pédagogiques dans l’acte d’accompagnement.
Les bénéficiaires sont dans une situation de vulnérabilité, voire de rupture sociale liée à l’isolement et à un parcours de vie complexe. Cette situation génère un trouble de l’image et/ou de l’estime de soi, ce qui ne leur permet pas d’avoir une connaissance structurée d’eux-mêmes, de leurs motivations et de leurs projets de vie et/ou professionnels.
Les bienfaits de la médiation corporelle, en se mettant au service des différents ateliers proposés, favorisent l’acquisition de compétences sociales, de savoir-être et de savoir-faire comportementaux adaptés. Ainsi, les bénéficiaires sont en capacité de changer leurs croyances et leurs perceptions d’eux-mêmes, de la société, du rapport aux autres et de développer une image valorisante et positive.
- Greta : s'exprimer à travers la pratique théâtrale
En complémentarité des activités en lien avec l’image de soi, les stagiaires du dispositif Génération compétences de l’agence de Coutances ont participé à des ateliers de pratiques théâtrales (six ateliers) animés par une formatrice spécialiste de ces pratiques.
L’objectif de ces ateliers est d’aider les stagiaires à s’exprimer sur eux, sur leur parcours, leurs valeurs, leurs émotions à travers des activités théâtrales, donc pas nécessairement par des mots. Les stagiaires repèrent les éléments relatifs au verbal, para-verbal et non-verbal afin de progresser dans l’expression et la présentation de soi à travers des saynètes.
L’estime de soi, la confiance en l’autre et la cohésion de groupe sont travaillées en transversal ainsi que l’appréhension de son corps dans l’espace et face à l’autre. Ces actions ont permis aux stagiaires de progressivement « lâcher prise » et le groupe a développé une belle cohésion tout au long des séances proposées.
Ces ateliers leurs ont ainsi permis de mieux appréhender la journée de présentation du projet collectif « Emploi Atout’âge » notamment lors de la conférence avec les entreprises, les partenaires et l’ensemble des personnes présentes tout au long de cette journée.
- Groupement Trajectio / Irfa (1) : accueillir autrement les demandeurs d'emploi de plus de 50 ans
Le groupement Trajectio / Irfa a conçu un outil pédagogique ludique pour faire de l’accueil des demandeurs d’emploi de plus de 50 ans un moment privilégié.
L’approche « power point » n’est pas toujours un outil développant l’attractivité d’une formation, a fortiori face à des demandeurs d’emploi de plus de 50 ans souvent dubitatifs, voire réfractaires à la formation. Le groupement a donc « réinventé » la phase d’accueil afin de susciter pleinement leur adhésion. L’information collective (d’une demi-journée) qui a été conçue propose plusieurs temps de travail ludiques, participatifs et démonstratifs :
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- en introduction, un arbre à post-it sur un sujet qui les concerne tous : en se mettant à la place d’un employeur, deux sous-groupes confrontent leurs arguments « pour » ou « contre » l’embauche d’un candidat de plus de 50 ans. Débat, échanges constructifs et mise en confiance garantis !
- puis un jeu de cartes pour prendre connaissance, de manière concrète et illustrée, des activités qui seront menées durant toute la formation.
- enfin un « world café » pour comprendre la démarche pédagogique d’entreprise simulée.
Grâce à cette approche, une dynamique de groupe s’enclenche, les personnes se sentent impliquées, écoutées et considérées. L’adhésion s’effectue lors d’un entretien individuel qui suit cette information.
- Groupement Trajectio / Irfa (2) : valoriser les compétences transverses par des badges numériques
Le groupement Trajectio/ Irfa a proposé aux stagiaires « Génération compétences » de faire reconnaître par l’obtention de badges numériques les compétences transverses suivantes :
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- organiser son activité
- utiliser les ressources numériques
- prendre en compte les usages sociaux
- construire son parcours professionnel
- je suis mobile.
Chaque badge possède quatre niveaux, tous les stagiaires pouvant se positionner sur un niveau. Si le badge obtenu n’est pas de niveau 4, ils ont la possibilité de se fixer des objectifs sur la suite de l’action afin de viser le badge de niveau supérieur. Les activités de l’action telles que les ateliers communication, l’organisation de l’évènement final, les immersions en entreprises, la rédaction d’une newsletter mettent les stagiaires en situation ; ils peuvent ainsi capitaliser des preuves pour leur demande de badges.
Cette approche valorise les stagiaires et leurs permet de s’approprier la démarche de réflexivité. La plateforme utilisée pour « badger » le stagiaire permet d’afficher les badges sur un CV numérique et d’avoir accès aux preuves. Il peut aussi imprimer le badge et ses preuves, les mettre en annexe de son CV papier. Cette utilisation est privilégiée sur les groupes car les stagiaires mais aussi les entreprises sont encore peu familiarisées à la version numérique des badges.
Yannick Lailler (Carif-Oref de Normandie)